mardi 22 janvier 2013

La France de l'accordéon ou la girouette Valls



Drôle de télescopage. Barack Obama, dans son discours d'investiture à Washington, a salué ses soeurs et frères gays et en a appelé à l'égalité des droits. En France, alors que François Hollande a promis à maintes reprises durant sa campagne présidentielle, l'ouverture du mariage pour les couples de même sexe, et la reconnaissance de l'homoparentalité, le même a décidé d'inviter les opposants à une telle réforme à l'Élysée. Virginie Tellenne en rose fluo - alias Frigide Barjot - face au Président ? On croît rêver yeux grands ouverts... Si si, c'est possible en 2013. Question de style n'oublieront pas d'expliquer certains commentateurs soucieux d'abord des apparences. The West Wing versus Julie Lescaut.


Question de panache plutôt. Le premier, Barack, auréolé encore du prestige impérial et hollywoodien, en a un peu, l'autre, "notre" François, président d'un pays décidément en mal de prestige, a tout bonnement oublié ce que c'était. C'est sûr qu'à Tulle, il y avait de l'accordéon : La vie en rose. En 2007 on avait bien eu droit  à Mireille Mathieu, mais en 2012, c'était de l'accordéon. Et puis il y a le "débat". Hein le "débat". Françaises, Français, débattez ! On entend déjà la droite réclamer un référendum tels des sans culottes face à la tyrannie.  On a peu entendu les mêmes réclamer un débat sur le traité budgétaire européen. Ou même sur les récents résultats du "dialogue social". Ah mais ça, c'est des choses sérieuses, coco, ce n'est pas pour des Français abreuvés aux primes time façon Nouvelle Star.

Tapez 1 pour le mariage, Tapez 2 pour éliminer les mariés.


Civilization ou Sim City ?


C'est quand même plus facile que de poser la simple question suivante : économie de "l'offre" ou économie de "la demande"? Ah, on me dit que je m'égare... Mais le plus savoureux en cette période de "débat", c'est qu'elle nous permet de mesurer le degré d'opportunisme de certains de nos "décideurs". C'est comme s'ils se trouvaient devant leurs ordinateurs et qu'ils jouaient à Civilization ou à Sim City. Mais si, souvenez-vous, Libération adore parler de "logiciel" pour évoquer le vide idéologique qui traverse aujourd'hui une bonne partie de la gauche. En tout cas, dans la catégorie girouette, Manuel Valls est aux premières loges avec ce fameux "débat" qui préoccupe tant les Français.

En effet, on apprend, au détour d'une émission de Canal +, que si monsieur le Ministre de l'Intérieur était parlementaire, il ne voterait pas pour l'extension de la PMA (Procréation Médicalement Assistée) à tous les couples, et notamment aux couples de lesbiennes.

Pour Manuel Valls, en 2013, c'est Non.



"Je ne voterais pas la PMA dans le texte de loi sur le mariage pour tous et l'adoption".
"La PMA, c'est un sujet extrêmement compliqué", a argumenté le ministre de l'Intérieur. Cela "mérite un débat approfondi (... ) long et fourni. Ce sont des questions très lourdes".


Serrage de (mes) paluches façon Hollande

On parle bien ici de PMA, autorisée actuellement en France pour les couples stériles, et non de GPA, Gestation pour Autrui, qui pose une autre question particulièrement coton pour le débat éthique, avec l'existence dans ce dernier cas des "mères porteuses". Même si la GPA est permise également grâce aux techniques de PMA.

À ce stade, il est nécessaire de rappeler que l'accès de la PMA aux couples de lesbiennes était une des promesses de François Hollande dans son projet socialiste. Dans les tracts que le PS avait à l'époque opportunément imprimés au sujet de l'égalité des droits, figurait noir sur blanc la PMA. Et puis Hollande l'avait promis à Têtu, il y aurait bien la PMA dans le package. Promis, juré, et même relu (oui l'interview à l'époque avait été relue par ses conseillers). À l'inverse, le PS s'est clairement prononcé contre la GPA, et François Hollande s'est déclaré contre également dans Têtu.

François Hollande, durant la campagne, je l'ai interviewé à deux reprises pour Têtu, et une autre fois pour Témoignage Chrétien (oui, je vous rassure, sur d'autres sujets... ;) Au point que lors d'un reportage pour Les Inrockuptibles sur le boulot de la rédaction de France 2, je me retrouvais à un meeting de féministes, où je décrochais un serrage de (mes) paluches pré-présidentiel en prime. Avec la petite phrase qui fait tout : "ah mais comment allez vous ?", eh oui coco, tout ça droit dans les yeux. Il est fort le François, il arrive à reconnaître à 100 mètres un journaliste, et à lui montrer qu'il l'a reconnu. Mes confrères furent semble-t-il très friands de ces charmantes attentions durant la campagne.


Des politiques mis à nu

Alors, justement, la première fois que j'avais rencontré François Hollande pour Têtu, c'était dans le cadre d'une série d'interviews que j'avais réalisées dans le cadre des primaires du PS. François Hollande, Ségolène Royal, Martine Aubry, Arnaud Montebourg et Manuel Valls ont répondu gentiment à mes questions entre mai 2011 et octobre 2011. Je reviendrai prochainement sur leurs réactions en off... Réactions souvent très révélatrices.

J'avais d'ailleurs consacré un premier article Des politiques mis à nu à ces réactions dans le magazine RegardsFort de l'expérience d'une trentaine d'interviews politiques pour Têtu, je notais à l'époque :

"Interroger les responsables politiques sur les questions sexuelles, c’est un peu les passer au scanner. Démunis parfois, déconcertés souvent. Ils perdent leurs réflexes, confondent intime et sexe. Leur intimité, leur vie privée, et les questions sexuelles qui se posent dans le débat politique. Réticents, certains le sont. Comme l’ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, sollicité par le magazine gay Têtu pour une interview en décembre 2011. Son attachée de presse nous envoie alors un mail : «  Dominique de Villepin préférerait ne pas se positionner définitivement sur la question homosexuelle, est-ce possible pour vous ? » Dominique de Villepin ne donnera jamais d’interview au magazine…"


Quand Manuel Valls était pour les "mères porteuses"


Peut-être que Manuel Valls aurait dû me dire la même chose quand, en début 2011, j'ai sollicité son cabinet à la mairie d'Évry - il était alors député-maire de cette charmante bourgade de grande banlieue... Car quand je l'ai rencontré début mars 2011 dans son grand bureau de sa mairie... Il me tenait alors un discours très ferme sur l'égalité des droits, et s'affirmait même pour la GPA. 


Qu'on se le dise, Manuel Valls est en réalité favorable à la Gestation pour Autrui - les mères porteuses - si la loi permet un encadrement. C'est en tout ce qu'il confiait aux lecteurs de Têtu à l'époque (comme ma modeste capture d'écran façon Médiapart me permet de vous en apporter les preuves !).


À l'époque, semble-t-il, mes questions n'étaient pas "lourdes". Et le maire d'Évry semblait bien préparé par ses conseillers à répondre à Têtu. Il m'avait d'ailleurs reçu près d'une heure, me répondant calmement, et précisément, son regard droit dans mes yeux, jetant quelques fois un coup d'oeil aux fiches préparées par son cabinet et disposées devant lui sur son bureau. Cela mérite d'être souligné : Manuel Valls me répondait dans son bureau seul, et n'a pas souhaité relire l'interview. Pour info, suite à la publication de celle-ci, une de ses collaboratrices (ou collaborateur je ne sais plus) me contacta pour me féliciter du rendu final. 


Mais rappelons le pour les retardataires... Têtu est un magazine gay. 

Qui a parlé de clientélisme politique ?


Alors pour que tous prennent connaissance des propos précédents de monsieur le Ministre de l'Intérieur au sujet de la GPA, voici en intégralité la première partie de l'interview qu'il avait accordée à Têtu et publiée en mai 2011. Au moins, mon travail n'aura pas servi à rien...


"Contrairement à ce que disent ceux qui sont par principe hostiles à la GPA, je crois que si celle-ci est maîtrisée, elle est acceptable, et j’y suis donc favorable."

Sur Canal Jimmy, au mois de janvier, vous vous êtes prononcé en faveur de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et de l’homoparentalité… Oui, j’ai d’ailleurs soutenu précédemment les propositions de loi de Patrick Bloche relatives au mariage homo et à l’homoparentalité. Et en 2004, lorsque Dominique Strauss-Kahn s’était prononcé pour, il y a eu un débat au sein du bureau national du Parti socialiste. Je me souviens des réactions à l’époque, certains combattaient avec force une telle proposition, comme Éric Besson qui était alors à la direction du PS. J’avais défendu la position de Dominique Strauss-Kahn qui n’était pas celle de Lionel Jospin.

Vous étiez porte-parole du gouvernement de Lionel Jospin. Ce dernier a-t-il évolué sur la question depuis ? Je n’en sais rien. Je suis bien sûr respectueux de ses positions. Mais d’une manière générale, nous devons accompagner les évolutions de la société, permettre des droits nouveaux. Je crois à une société d’ordre, de justice sociale, et en même temps j’ai la conviction profonde que la gauche doit incarner le progrès.

Justement, dernièrement, il y a eu un débat au PS sur la gestation pour autrui (GPA), avec deux groupes qui se sont opposés. Le débat a été finalement tranché par la négative. Quelle était votre position sur le sujet ? Il y a eu une dérive vers une marchandisation du corps des femmes qui pourrait se révéler immaîtrisable. Mais au-delà de ces précautions, c’est une évolution qui est incontournable, à condition qu’elle soit encadrée. Contrairement à ce que disent ceux qui sont par principe hostiles à la GPA, je crois que si celle-ci est maîtrisée, elle est acceptable, et j’y suis donc favorable. À terme, je suis favorable à une évolution législative, mais contrairement au mariage, ce n’est pas la position du PS.

On pourrait vous qualifier de « libéral » au PS, et en même temps vous avez des positions très républicaines. C’est assez étonnant car les tenants de la « troisième voie », comme Tony Blair et son maître à penser, Anthony Giddens, mettent en avant les minorités dans leur projet de société. Ne trouvez-vous pas que la République française a des difficultés pour intégrer les faits minoritaires ? Je ne suis pas blairiste, parce qu’il est anglais et que je suis français. L’approche anglosaxonne est issue de traditions très différentes. Ce qui m’a intéressé chez Giddens, c’est l’idée de partir de l’individu. Il ne faut jamais oublier que Jaurès disait « le socialisme, c’est l’individu jusqu’au bout ». Le marxisme et une certaine conception étatiste et jacobine très française ont sans doute mis à mal ces idées. Moi, je viens du rocardisme et de la « deuxième gauche », pour qui les mots « autogestion », « autonomie » ont une importance. Comme le souligne Giddens, il faut aider chaque individu à se frayer un chemin. L’État ne peut pas tout. Dans nos sociétés ouvertes, surinformées avec internet, chaque individu réclame des droits soit pour lui, soit pour des groupes. Effectivement, les sociétés anglo-saxonnes s’accommodent très bien de cela, mais je pense que la synthèse avec la République est largement possible. Je suis un libéral, républicain et laïque…

(...)


Propos recueillis par Marc Endeweld

Soyons juste avec Manuel Valls, en 2011, il souhaitait qu'À TERME, la GPA soit encadrée par la loi. Il n'a pas dit QUAND. Peut-être en 2050 ?


Mais, au moins, on aurait aimé que Manuel Valls, en 2013, défende avec fierté le projet du PS, c'est-à-dire Mariage - Adoption et PMA.


Et dernière précision, à titre personnel, si je suis favorable à l'accès des couples de lesbiennes à la PMA, je me questionne beaucoup sur un possible encadrement de la GPA. Mais, de toute manière, ce n'est pas une question qui se posera en mars. Car le PS s'est positionné clairement contre une légalisation des mères porteuses en France, contrairement à ce que pourraient laisser croire les mensonges des anti-mariage pour tous.


La suite au prochain renoncement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire